Et si les heures supplémentaires défiscalisées avaient plombé l'emploi français

 En France, on a subventionné les heures supplémentaires ; 

en Allemagne, on a subventionné la réduction du temps de travail


En 2009, la France décroche de l'Allemagne sur le plan de l'emploi malgré une récession moins forte. En cause : des choix politiques.

En mai 2008, alors que la crise financière commence à inquiéter les agents économiques et que le prix du pétrole affole les industriels, les courbes du chômage française et allemande se croisent pour la première fois depuis janvier 2002. Ce mois-là, les deux taux de chômage sont parfaitement identiques : 7,7 % des deux côté du Rhin (selon les données d'Eurostat). Dès le mois de juin 2008, le taux de chômage allemand passe sous son équivalent français. Il y est encore et l'écart n'a fait que se creuser puisque, avec la crise qui a suivi la faillite de Lehman Brothers, le chômage a baissé outre-Rhin et a augmenté en France. En juillet dernier, le taux de chômage allemand était de 5,3 %, celui de la France à 11 %.


Moins de récession en France, mais plus de chômage

Plusieurs raisons structurelles expliquent cette différence, mais les choix politiques n'y sont pas non plus pour rien. Le décrochage français commence en effet au cœur de la grande crise, entre l'été 2008 et l'été 2009. En juin 2009, l'écart entre le taux de chômage allemand et le taux de chômage français atteint déjà 1,6 point. Etonnant quand on sait que l'Allemagne a été frappée de plein fouet par la crise au cours du dernier trimestre 2008 et des deux premiers de 2009. L'investissement a reculé de près d'un tiers. Les carnets de commande se sont subitement vidés. A la fin de l'année 2009, la facture pour l'Allemagne sera salée : le PIB aura reculé de 5,1 % ! En comparaison, la France s'en sort bien : le PIB n'a reculé que de 2,2 %.

Et pourtant, le taux de chômage atteint alors 9,6 % en France, soit près de deux points qu'en mai 2008, alors qu'il a à peine augmenté en Allemagne où il atteint 8 %, son point haut de la crise. Cette bonne résistance du marché de l'emploi allemand va annoncer une décrue rapide dans les mois suivants, alors qu'en France, le taux va continuer à augmenter, jusqu'à 10 % en novembre 2009.

Outre-Rhin, on a réduit le temps de travail

Que s'est-il passé ? Outre-Rhin, les entreprises n'ont pas réagi comme en France devant l'effondrement de la demande. Comme le souligne Holger Schäfer, économiste à l'institut économique IW Köln, proche du patronat, « pour faire face à la baisse des commandes et de la production, les patrons allemands ont préféré réduire le nombre d'heures travaillées plutôt que de réduire les effectifs. » Il est vrai que, dans un contexte démographique difficile, les entreprises préféraient outre-Rhin préserver leur main d'œuvre qualifiée. Du coup, on a joué sur tous les leviers pour réduire le temps de travail. On a soldé les comptes épargne-temps, on a utilisé le très généreux système de chômage partiel (le fameux Kurzarbeit), et… on a réduit drastiquement les heures supplémentaires.

En France, on a subventionné les heures supplémentaires ; en Allemagne, on a subventionné la réduction du temps de travail

Pendant que l'Allemagne préservait ses emplois en réduisant le temps de travail, la France faisait le choix inverse et, par la loi Tepa voulu par Nicolas Sarkozy, subventionnait les heures supplémentaires. Du coup, les chefs d'entreprise français augmentaient le temps de travail par employé et répondait à la baisse des commandes par des réductions d'effectifs. Voici comment une moindre baisse de l'activité en France s'est traduite par une plus forte hausse du chômage.

Pire même, lorsque la demande internationale a commencé à repartir à la fin du premier semestre 2009, les Allemands ont pu rapidement remobiliser leurs effectifs pour y répondre et le chômage s'est vite stabilisé. A l'inverse, les patrons français y ont répondu par une augmentation des heures supplémentaires et le chômage a continué à progresser pendant plusieurs mois, avant de reculer très lentement. L'écart né à ce moment de deux choix différents face à la crise : d'un côté subventionner les heures supplémentaires, de l'autre subventionner une réduction du temps de travail flexible a créé un écart entre les deux marchés de l'emploi qui ne s'est pas résorbé.